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Michel J. Cuny - Eléments d'analyse de l'économie et des finances mondiales
4 juin 2014

29 - Une société... de propriétaires

   Il  s'agit  donc,  selon John Locke,  de "terrifier les malfaiteurs", non pas d'individu à individu, mais par le moyen du gouvernement que la société elle-même aura mis en place après s'être libérée de la monarchie de droit divin dont le philosophe a démontré l'inanité dans son "Premier traité du gouvernement".

   Désormais, sous l'intitulé : "Essai sur l'origine, les limites et les fins véritables du gouvernement civil", John Locke, définissant le "pouvoir politique", associe immédiatement la défense de la propriété, à l'intérieur et à l'extérieur, avec la peine de mort : "Par pouvoir politique, donc, j'entends le droit de faire des lois, sous peine de mort, ou par voie de conséquence sous toute peine moins sévère, afin de réglementer et de préserver la propriété, ainsi que d'employer la force de la communauté pour l'exécution de telles lois et la défense de la république contre les déprédations de l'étranger, tout cela uniquement en vue du bien public."

   Ce pouvoir politique est ce qui distingue toute société politique de ce qu'était l'état de nature caractérisé, lui, par l'absence d'une loi établie, par le manque d'un juge connu et impartial, et par le défaut d'une puissance habilitée à mettre en exécution les décisions de sanction.

   Or, John Locke l'affirme : "Aucune société politique ne peut exister, ni subsister, sans détenir le pouvoir d'assurer la conservation de la propriété, donc celui de punir, à cet effet, les infractions commises par quiconque est l'un de ses membres ; il n'y a donc de société politique que là, et là seulement, où chacun des individus qui en font partie s'est défait de ce pouvoir naturel et l'a remis à la communauté, pour que celle-ci l'exerce chaque fois qu'aucune circonstance particulière n'exclut le recours à la protection de la loi qu'elle a établie."

   Il le redit encore autrement : "La société politique acquiert ainsi le pouvoir de fixer le châtiment qui doit correspondre à chaque infraction qui lui semble en mériter un et que commet l'un de ses membres (c'est le pouvoir de légiférer) ; elle a aussi le pouvoir de châtier tout préjudice injuste causé à l'un quelconque de ses membres par quelqu'un qui n'a pas cette qualité (c'est le pouvoir de faire la guerre et la paix) ; elle exerce l'un et l'autre afin de préserver, dans la mesure du possible, les biens de tous ceux qui font partie de ladite société."

   Partout, nous retrouvons la même insistance sur la protection de la propriété. John Locke n'avait-il pas pourtant précédemment ajouté à celle-ci la protection de la vie des membres de la société? Ne pourrait-on pas penser que cette dernière mérite de prendre le pas sur la première? D'abord la vie puis la propriété? La vie, ce serait celle de tout un chacun!... Mais la propriété?...

   Eh bien, John Locke ne manifeste aucune hésitation : "La conservation de la propriété est la fin du gouvernement et celle que les hommes poursuivent lorsqu'ils entrent en société ; il faut donc nécessairement admettre que les gens soient propriétaires de quelque chose, sinon cela supposerait qu'ils perdent quand ils s'associent, ce qu'ils voulaient obtenir en s'associant, absurdité si grossière que nul n'oserait la soutenir. Puisque les hommes qui vivent en société sont propriétaires, ils ont le droit de posséder tous les biens qui leur appartiennent en vertu de la loi de la communauté, de telle sorte qu'il est interdit à quiconque de les leur soustraire, pour l'essentiel ou pour une part, sans leur consentement ; sinon, ils ne sont propriétaires de rien du tout."

   Et Voltaire, comme on sait, d'ajouter un supplément quelques décennies plus tard : "À moins qu'il n'y ait une infinité d'hommes libres qui ne possèdent rien du tout."

   Mais comment ceux-ci seraient-ils membres d'une quelconque société, si l'on doit y être propriétaire?...

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