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Michel J. Cuny - Eléments d'analyse de l'économie et des finances mondiales
25 mai 2014

37 - Quesnay avec Turgot, et réciproquement

  Très  en  colère,  Quesnay  poursuit  sa  diatribe  contre  les gens de finance : "Les grandes fortunes pécuniaires qui semblent manifester l'opulence de l'État n'en indiquent réellement que la décadence et la ruine, parce qu'elles se forment au préjudice de l'agriculture, de la navigation, du commerce étranger, des ouvrages de main-d'oeuvre et des revenus du souverain. Car elles anéantissent la masse des richesses productives et se dérobent aux impositions."

   Autrement dit : c'est pourquoi nous nous dispenserons de leur demander de se soumettre à l'impôt!... assurés que nous sommes de devoir payer très cher la moindre tentative de les y contraindre, compte tenu de ce qu'est la situation économique actuelle du royaume.

   "Cependant, poursuit le bon docteur, si la forme des impositions devenait moins onéreuse à l'État, et si l'agriculture et la liberté du commerce des denrées du cru se rétablissaient, ces richesses pécuniaires rentreraient d'elles-mêmes dans l'ordre général ; parce qu'elles y seraient attirées par des profits plus assurés et plus invariables que ceux que procure le trafic d'agiot ou de finance contre finance, qui se fait par l'entremise des papiers commerçables fondés presque tous sur les dettes de l'État."

   C'est le moment d'indiquer que nous sommes ici en présence d'un manuscrit qui porte quelques annotations de la main de Turgot (l'homme qui n'avait pas froid aux yeux : "En tout genre de travail il doit arriver et il arrive en effet que le salaire de l'ouvrier se borne à ce qui lui est nécessaire pour lui procurer sa subsistance.").

   Lorsque François Quesnay s'en prend aux "richesses dérobées à l'État par la finance", Turgot ne peut s'empêcher de le rappeler à l'ordre : "Puisque toutes les entreprises d'agriculture et de commerce ne peuvent se faire sans avances et par conséquent sans capitaux, il est nécessaire qu'il y ait dans une nation une masse de richesses pécuniaires destinée à fournir ces avances. Et il doit nécessairement s'établir un commerce entre les possesseurs de l'argent et ceux qui en ont besoin pour en faire l'emploi dans leurs entreprises ; ainsi le commerce d'argent n'est pas plus mauvais en lui-même que tout autre commerce, quoiqu'il ne soit qu'un agent intermédiaire entre le consommateur et le producteur toujours payé sur le revenu des biens-fonds, en quoi il ressemble à tout autre commerce."

   Finalement, ceci n'est guère différent de ce que Turgot semble vouloir redresser chez Quesnay, et, d'ailleurs, Turgot n'est pas sans constater lui aussi certains des excès de la finance ni sans indiquer où ils prennent leur origine. Ainsi, en lui-même, le commerce d'argent n'est pas si nuisible : "Il ne devient un mal que quand les besoins déréglés du gouvernement forçant l'État de recourir au crédit, et l'abus de ce crédit devenant variable et incertain, le commerce d'argent devient un jeu de hasard, sur les combinaisons duquel les fripons spéculent et cherchent à s'enrichir aux dépens des dupes."

   1757 ou 2008-2009?...

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